Les enfants indociles, tome 1 : Les Portes perdues, de Seanan McGuire

Dans l’obscurité de leur chambre, sous leur lit, même derrière une armoire, les enfants descendent le terrier du lapin blanc et réapparaissent… ailleurs. Mais les pays imaginaires n’ont que faire de prodiges fatigués.
Nancy y a fait un tour, puis elle en est revenue. Les choses qu’elle y a vécues l’ ont changée à jamais. Les élèves qu’Eleanor West accueille au sein de son école le savent d’ailleurs très bien. Chacun d’entre eux doit se réadapter à ce monde et finit souvent par chercher un moyen de rejoindre le lieu de ses rêveries.
Pourtant, dans cette institution qui existe pour les protéger, une ombre se cache derrière chaque pan de mur. Très vite, les meurtres s’enchaînent. Alors, pour survivre, Nancy et ses nouveaux camarades doivent trouver le coupable.

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Editions Pygmalion
 208 pages | Sortie : 1er septembre 2021
Note personnelle : ★ ★ ★ ☆ ☆

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Je ne suis absolument pas une habituée des livres de genre Fantasy. En général, je vous avoue que je les évite, car je les trouve tellement éloignés de la réalité et improbables que je n’accroche pas…

Mais je ne sais pas pourquoi, celui-ci m’a attirée.. Déjà par la couverture que j’aime beaucoup et le résumé qui a su créer une certaine curiosité en moi. Le fait qu’Alice au pays des merveilles soit mentionné dans le titre n’y est pas pour rien, je pense.

Avant de commencer ma lecture, j’étais partie dans l’idée que cela allait ressembler à quelque chose à mi-chemin entre l’école des X-Men et Miss Peregrine et les enfants particuliers. Ne me demandez pas pourquoi, mais c’est vraiment ce que j’ai eu en tête.
Mais au final, ça n’a rien à voir…

On va donc suivre l’arrivée de Nancy dans cette école particulière… Elle y fait entre autre la connaissance d’Eleanor, une directrice hors du commun, et Sumi, sa camarade de chambre au caractère assez… particulier…

Elle n’a pas choisi d’y venir, seuls les parents ont la possibilité de prendre cette décision, « pour le bien de leurs enfants », en théorie.

« Les filles n’étaient jamais là pour les entretiens d’admission. Seulement leurs parents, tuteurs, frères et sœurs déconcertés, qui désiraient tant les aider sans savoir comment s’y prendre. Il aurait été trop difficile pour les élèves potentiels de rester assis à écouter les personnes qu’ils aimaient le plus au monde – dans ce monde, en tout cas – taxer leurs souvenirs d’illusions, leurs expériences de fantasmes, leur vie de quelque maladie incurable. »

La particularité de Nancy, celle qui lui a valut sa place dans cette établissement, c’est qu’elle  a voyagé dans un monde peuplé de morts, où elle a du apprendre à rester aussi immobile que possible pour s’en sortir. Si dans le « monde réel », sa disparition a duré 6 mois, en réalité, pour elle, ce n’est pas moins de 6 ans qui se sont écoulés. Hors du temps, elle vivait donc dans un environnement lent voire immobile, et un retour à la vie normale, et à un monde « qui bouge » normalement n’est pas facile. Elle aurait préféré retourner dans son monde alternatif.

C’est pourquoi ses parents ont décidé de la placer dans l’établissement de Eleanor, prévu justement pour les enfants qui sont prêts à tout pour quitter le monde « réel » et retourner dans ce qu’ils considèrent comme chez eux, ceux où ils se sentent à leur place….

Peu après son arrivée dans l’établissement, des morts mystérieuses vont se produire, et bien entendu, elle sera ben évidemment la première à être soupçonnée.

J’ai beaucoup aimé cet univers composé d’un système de portes vers des univers parallèles, qui bien qu’aussi différents les uns des autres, peuvent se classer en 4 catégories que je vous laisserai découvrir.
L’ambiance générale du récit et de l’environnement de l’histoire, à la fois sombre et magique, mélange de réalité et de « rêve », ayant un côté émotionnel très présent… c’est un mélange qui fonctionne assez bien.

Ça se lit assez vite, car l’écriture est agréable, même si le style se veut assez facile à appréhender, le vocabulaire usité est recherché, on voit qu’un soin particulier a été apporté de ce côté-là.

Certaines expressions, typiquement américaines, je suppose, m’ont beaucoup amusée…

« P’tain, qu’est-ce que tu viens foutre encore là, Sumi ? demanda-t-il avec son accent de l’Oklahoma aussi dense qu’une cuillerée de beurre de cacahuètes. »

Ça apportait, sans le vouloir, une petite touche d’humour que j’ai beaucoup appréciée.

De même, l’autrice sait rendre son récit addictif. Le côté Fantasy, au final n’est pas trop présent (du moins bien moins présent que je ne l’aurais pensé), donc je n’ai pas eu de mal à avancer dans cette lecture. Car je trouve que c’est ce qui est assez différent par rapport aux autres livres que l’on peut classer dans cette catégorie : en général les romans fantasy nous font voyage dans un univers onirique si je puis dire… là, on en revient et on se retrouve à nouveau dans le monde réel et plus terre à terre, et il faut s’y réhabituer.

Si je devais émettre un regret, c’est que dans ce court roman, on est malgré tout bien plus dans la « présentation » si je puis dire du mal-être des différents enfants présents, et beaucoup moins dans l’explication et l’exploration des portes et des différents univers visités par les enfants. De ce point de vue, je suis vraiment restée sur ma faim, car au vu du titre, j’aurais pensé que ce premier tome serait malgré tout plus explicatif sur ces portes.
Alors oui, dans l’intrigue principale qui est de découvrir le fin mot de l’histoire sur les meurtres, la découverte de ces univers féériques ou magiques n’apporterait pas grand-chose d’autre que d’approfondir la connaissance des personnages, mais ça m’a manqué.

D’ailleurs, pour être honnête, je trouve que cette histoire de meurtre n’a pas été abordée de la meilleure manière qui soit. Le premier arrive à 50% du livre, et je trouve que c’est un peu tardif… ça pousse à la précipitation dans l’exploitation et la résolution de cette histoire. Ça rend d’ailleurs les choses hyper prévisibles…

Malgré tout, j’ai apprécié la lecture car faire la connaissance de ces enfants était agréable. Ils sont attachants, leurs histoires sont touchantes.
Le personnage de Sumi m’a beaucoup fait rire, j’ai adoré son côté contrastant par rapport à nancy, et son exubérance et son manque de tact.. Elle n’a pas de filtre quand elle parle.

Je pense d’ailleurs que sous ses airs de récit imaginaire, l’auteure a principalement voulu faire une pseudo analyse de la société (les différences, la propension de vouloir mettre les gens dans des cases, de nous faire entrer « dans la norme »,…) et des difficultés de l’adolescence.
Et ce, que ce soit par rapport à leur place dans le monde (et une similitude entre le fait qu’ils ont envie de retourner dans ce monde imaginaire, et leur obligation, dans le monde réel, de grandir et de laisser derrière eux leurs rêveries et faire face à leurs rêves d’enfants qui peuvent s’en retrouver brisés ) ou par rapport à leur place au sein de leur propre famille (une analogie criante entre le fait que les parents envoient leur progéniture dans cet établissement pour pouvoir les « soigner » et les faire redevenir « normaux », et le fait que les parents ont du mal à accepter que leurs enfants fassent leur propre et vie et ne soient pas nécessairement comme ils auraient voulu qu’ils soient).

« Les parents ont parfois du mal à admettre que les choses ont changé. Ils voudraient que le monde soit exactement le même qu’avant que leurs enfants vivent des aventures qui leur changent la vie. Et quand le monde obéit pas, ils essaient de le faire entrer dans des cases qu’ils fabriquent pour nous. »

Des sujets et faits de société actuels sont également mis en avant, tels que le changement de genre, l’asexualité, etc… Ils sont abordés de manière subtile (ou pas d’ailleurs), et tentent d’y apporter un regard positif et bienveillant.
Je trouve important que les auteurs pensent à ce genre d’implication car ils sont face à un public qui ne fait pas toujours la part des choses entre l’imaginaire et la réalité, et surtout, un public qui prend facilement exemple sur ce qu’il peut voir ou lire et qu’on pourrait aisément qualifier d’influençable.
Je reste persuadée que la bienveillance appelle la bienveillance et qu’en parler positivement dans les livres pour ado ne peut avoir qu’un impact positif.

« — Non. Le célibat est un choix. Je suis asexuelle. Je n’éprouve pas ces sentiments. » Elle aurait pu croire que son manque de désir sexuel était ce qui l’avait attirée dans les Limbes – ils étaient si nombreux à la traiter de « glaçon » en prétendant qu’elle était morte intérieurement à l’époque où elle fréquentait un lycée et des adolescents ordinaires.
[…] « C’est juste… C’est juste pas pour moi. Je peux trouver quelqu’un très beau et être attirée par lui sentimentalement, mais ça va pas plus loin. « 

Par contre, d’autres sujets sont un peu abordés à la bourrine, si je puis dire, et sans mauvais jeu de mots. Comme celui de la masturbation féminine…

« Genre tard le soir, quand les lumières sont éteintes, que les mantes lunaires prennent leur essor dans le ciel et que les doigts d’une fille peuvent ressentir le besoin de labourer un peu. « 

Oui, si c’est important de faire passer le message que les filles/femmes peuvent aussi s’adonner sans honte à la masturbation, il y avait peut être une autre façon de le dire qui rende la chose moins « vulgaire ».

Je pense que l’auteure a essayé de mettre en avant un maximum de « causes » qui lui tiennent à cœur, mais caser toutes les « problématiques » dans les 50 premières pages, c’est peut-être un peu trop rapide et ça explique parfois le manque de subtilité.

Quoi qu’il en soit, ça m’a changé de mes lectures habituelles et j’ai passé un bon moment.. C’est un premier tome assez divertissant et prenant malgré tout. L’impression que j’ai eue, je ne sais pas vous expliquer pourquoi, c’est que cette saga me semble, au vu du premier tome, particulièrement adaptée pour une future adaptation en série télé…

En bref, un récit court mais agréable, qui met en avant plus les personnages que l’action réellement. Petit manque de profondeur par rapport aux univers derrières les portes… dû probablement au fait qu’il y a multitudes de mondes différents à explorer et que le livre est très court. A voir dans les prochain tomes s’ils seront davantage exploités.

« « L’espoir, ça fait mal. C’est la leçon que tu dois apprendre, et vite, si tu ne veux pas te faire éventrer de l’intérieur. L’espoir, c’est terrible. L’espoir, ça te pousse à te raccrocher à des choses qui n’existeront plus jamais, et tu te vides peu à peu de ton sang jusqu’à ce qu’il n’en reste plus. Ely-Eleanor dit toujours “dis ce mot” ou “ne dis pas ce mot”, mais elle interdit jamais ceux qui sont vraiment mauvais. Elle interdit jamais l’espoir. »

Ce livre s’inscrit également dans le cadre du challenge Lire en Thème de septembre : Un livre qui se passe dans le milieu scolaire

3 commentaires sur « Les enfants indociles, tome 1 : Les Portes perdues, de Seanan McGuire »

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