Quand elle reprend conscience à la maternité, Betty ne se souvient pas des circonstances dramatiques de son accouchement. Elle ne comprend pas pourquoi son mari reste injoignable. Elle découvre avec effroi que son bébé a été baptisé Noé et qu’un inconnu rôde autour de lui. Elle se débat, impuissante à le confondre. Mais peut-elle se faire entendre alors qu’on la prétend folle ? Accueillie au sein de l’unité mère-bébé par un psychiatre peu conventionnel, soutenue par une équipe de choc, Betty va renouer, peu à peu, avec sa mémoire confisquée. À commencer par ce prénom, Noé, qui ravive une douleur longtemps endiguée. Lorsque le barrage cède, la vérité a des allures de cadavre…
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Editions Eyrolles
400 pages | Sortie : 20 janvier 2022
Note personnelle : ★ ★ ★ ★ ★
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Qu’on se le dise, ce livre est un coup de coeur !
Alors déjà, quand on voit le résumé et qu’on voit qu’il y a de l’amnésie au centre de l’histoire… c’est déjà pour moi un excellent début, puisque c’est une thématique que j’affectionne tout particulièrement.
Dimanche 5 avril
ELLE palpe ton abdomen tendu puis, sans prévenir, fourre ses doigts dans ta vulve, jusqu’à la garde. Tu sursautes, électrisée, et ton vagin, aussitôt, se contracte pour chasser l’intruse. […]— Je suis désolée… Pour un peu, tu t’excuserais de ce que ton corps se rebelle. Malgré la contracture spasmodique qui s’y oppose, elle s’acharne, bien décidée à examiner ton col. Tu te tortilles, tentes de refermer tes cuisses. — Arrêtez ! Vous me faites mal. Elle grimace. — Cessez donc de vous conduire comme une gamine ! Les larmes coulent sur ton visage. La sage-femme n’y prête pas attention et tente de passer en force. Tu cries. Elle soupire. — Bon, j’ai assez perdu de temps. Croyez-moi, vous n’accoucherez pas aujourd’hui.”
Waouw… j’ai trouvé cette “entrée en matière”, si vous me passez l’expression, assez brutale, choquante et violente… surtout avec les débats de ces derniers temps sur les violences gynécologiques…
Je vous avoue que j’ai eu mal pour cette femme, enceinte, qui s’est fait traiter de la sorte à l’hôpital…
Cette femme, c’est Betty…
Très peu de temps après, elle accouchera dans des conditions peu ordinaires… et se réveillera à l’hôpital, avec des souvenirs assez flous, voire inexistants, pour certaines choses.
Une première chose qui m’a surprise, c’est le style narratif… tout le livre est écrit à la seconde personne du singulier. Je trouve ça vraiment peu conventionnel, et je n’ai pas le souvenir d’avoir déjà lu, avant ça, un livre en “tu”… c’est assez particulier je dois dire, et même si j’ai mis un peu de temps à m’y faire, c’était au final assez agréable comme manière de faire.
C’est un peu comme si nous étions le personnage principal, et que quelqu’un s’adressait à nous… un peu comme si nous étions la personne qui avait perdu la mémoire, et que quelqu’un prenait la parole pour nous raconter notre propre vie…
“Nulle. Tu es nulle. Tu ne sais pas te faire entendre. Tu échoues à te défendre. Fautive, forcément. Perpétuellement coupable de tout et de rien. Tellement pitoyable ! Si seulement tu pouvais changer… Opter pour une autre version de toi-même.
J’ai eu un gros coup de coeur pour un personnage… il y a longtemps que ça ne m’était pas arrivé.
“— Madame Sanogo, intervient l’infirmière, s’il vous plaît, allez donc prendre l’air dans le jardin. Sinon, je vous redonne quinze gouttes, parce que vous êtes trop excitée, là. — Eh, tes gouttes, Jeannette, tu peux t’les mettre où je pense ! Elle marque un temps d’arrêt, comme si elle cherchait l’inspiration, puis souligne, hilare : — Dans ton cul ! — J’avais compris l’idée, madame Sanogo, répond l’infirmière en lui montrant calmement la porte du jardinet réservé au service.
[…]
Je vous avoue que ce personnage de Madeline, je l’ai a-do-ré 🙂 Un personnage haut en couleurs, au langage des plus… particuliers… un caractère bien trempé et un franc parlé pas piqué des vers… Un vrai rayon de soleil dans ce roman… ou une tornade, je ne sais pas… quoi qu’il en soit, j’ai vraiment adoré. Sous ses airs foufous, son apparence nonchalante, elle est terriblement attachante. Elle a certes des réactions un peu vives parfois, mais ça fait tout son charme.
— Hé ! insiste Madeline. J’espère, le vampire, il est beau comme Robert Pattinson. Il va venir dans ma chambre me faire des choses avec sa grosse… — Stop ! Un mot de plus et je sors les gouttes !”
Ce que j’ai vraiment aimé dans ce livre, c’est que bien au delà de l’histoire, du suspense, etc… il y a des phrases pleines de bons sens, qui font réfléchir, ou qui font chaud au coeur… c’est très particulier, mais j’ai tellement aimé ça…
“Le sentiment maternel, c’est comme une maison. Parfois tu hérites de tes parents, parfois tu dois la construire toi-même, brique après brique. Personne te file le plan. Et il y a aussi celles qui restent à la rue toute leur vie. “
Les rebondissements et les retournements de situation qui jalonnent ce livre ont su m’accrocher comme jamais, ou plutôt, comme il y a longtemps que je n’avais pas été accrochée par une lecture. Si ce n’était la fatigue, je n’aurais pas lâché ce livre une seule minute avant la dernière page.
Quand je pensais voir une lumière au bout du tunnel, bam, l’auteur nous replongeait dans l’obscurité la plus totale…
J’ai apprécié aussi les morceaux de passé distillés au gré du roman pour essayer de recomposer les fragments d’une vie comme on reconstruit un puzzle.
“— Vous étiez dans une quasi-indifférence, comme si vous n’étiez pas concernée par la situation. C’est de la dissociation. Un mécanisme de défense fréquent en cas de traumatisme. Il arrive qu’on ne puisse ni fuir, ni se défendre, ni même appeler à l’aide. Ou bien l’aide ne vient pas, on n’est pas entendu. Ce que vous racontiez à l’instant. Alors, très tôt parfois, certains enfants se construisent des refuges de pensées, d’images, de lectures ou de vide. Ils s’absentent, se déconnectent. Ils sont là sans y être. Ils cessent eux-mêmes de croire à ce qui leur arrive, ça n’a pas lieu. Ou plutôt, ça a lieu sans eux.”
En bref, je dirais que sous un thriller bien ficelé, l’autrice a su me surprendre avec un roman plein de rebondissements, de suspense, mais aussi d’humour, de tendresse, d’amitié, d’amour maternel et d’appréhension de soi.
J’ai vraiment adoré cette lecture, alors que pour être honnête avec vous, sans avoir lu la quatrième de couverture, juste au titre, je ne me serais pas penchée sur l’histoire.
Une belle découverte qui s’est transformée en lecture coup de coeur.
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“— Elle, te confie Sophia, c’est une sale histoire. Elle attendait deux bébés, un garçon et une fille. Mais l’accouchement a mal tourné. Seule la fille est née vivante.”
Quand tu retrouves un passage qui pourrait être tiré de ta propre histoire… qui te brise le coeur, et t’oblige à fermer le livre un instant…