Titre : La mésange et l’ogresse
Auteur : Harold Cobert
Maison d’édition : Plon
Sortie : 18 Août 2016
# de pages : 425
Genre : Policier
Une enquête romanesque au plus près de l’énigmatique épouse de Michel Fourniret pour tenter de cerner les terreurs de notre société à travers l’une des affaires les plus retentissantes de ces dernières années.
« Ce que je vais vous raconter ne s’invente pas. »
22 juin 2004. Après un an d’interrogatoires, Monique Fourniret révèle une partie du parcours criminel de son mari, « l’Ogre des Ardennes ». Il sera condamné à la perpétuité. Celle que Michel Fourniret surnomme sa « mésange » reste un mystère : victime ou complice ? Instrument ou inspiratrice ? Mésange ou ogresse ?
Quoi de plus incompréhensible que le Mal quand il revêt des apparences humaines ?
En sondant les abysses psychiques de Monique Fourniret, en faisant résonner sa voix, jusqu’au tréfonds de la folie, dans un face à face tendu avec les enquêteurs qui la traquent, ce roman plonge au cœur du mal pour arriver, par la fiction et la littérature, au plus près de la glaçante vérité.
Mon avis: 20/20. Un roman/docu exceptionnel. Coup de coeur de l'année.
Ce que j’en pense?
Je dois vous avouer que j’ai laissé mûrir les choses un petit temps après ma lecture de ce livre, avant de vous en faire mon avis de lecture… J’avais peur de tomber dans le trop émotionnel, trop personnel… Mais je pense que malgré tout… ça le restera grandement.J’ai également fait le choix de vous mettre pas mal d’extraits, car je trouve qu’ils permettent de bien illustrer cette chronique…
Il faut savoir qu’une « partie de l’affaire Fourniret», à l’époque, s’est passé à deux pas de chez moi, qu’une de ses victimes est une fillette qui prenait le bus tous les matins avec moi… elle avait 12 ans… (je ne sais pas pourquoi, je garde toujours à l’esprit cette image d’elle, dans le bus avec son frère, et la manière dont très régulièrement, son sac à dos se coinçait dans les portes du bus…. mais aussi la manière dont cela a détruit la vie de personnes, et de familles, dont certaines personnes ont été injustement mises à mal… ), et qu’à partir de son enlèvement, j’ai passé ma fin d’enfance et mon adolescence à me dire « ça aurait pu être moi ».
« Mercredi 20 décembre 1989. Namur (Belgique). 15 h 29. 6 °C. Ciel partiellement couvert, larges éclaircies. Caroline Moens, douze ans, et sa copine Camille sortent d’une boulangerie. »
Les noms ont bien évidemment été changés. Mais c’est le genre de choses qui marque… Tout comme l’affaire Dutroux malheureusement. Ces deux affaires m’ont fortement marquée, et j’ai depuis acquis pas mal de livres sur le sujet…. C’est pourquoi le livre La mésange et l’ogresse me tenait tellement à coeur…
Ici, j’ai eu la chance de le découvrir en ebook grâce à NetGalley, mais je peux vous dire que j’espère l’avoir « en vrai » dans ma bibliothèque, et pourquoi pas, on peut rêver, dédicacé de l’auteur… Car oui, même si ce livre est dur à lire par son thème, il est un de mes plus beaux coups de coeur de l’année…
Je suis triste de ne pas avoir eu l’occasion de me déplacer pour la dédicace qu’il y a eu à Bruxelles il y a peu… car c’est quelque chose qui me tenait vraiment à coeur.
Dans le début du roman (car oui, il s’agit bel et bien d’un roman malgré tout), on trouve une mise en garde :
Si ce livre est basé sur « l’affaire Fourniret », s’il suit au plus près les faits tels qu’ils ont été révélés lors du procès, cet ouvrage est avant tout une œuvre de fiction. Par l’angle intime et intérieur qu’il permet, le roman aide à comprendre des personnes, des mœurs, une société.
Eh bien je peux vous dire que même si c’est une oeuvre de fiction, Harold Cobert a réussi à me serrer la gorge et le coeur…
Point de vue du style d’écriture, on a une alternance de points de vue, de Monique Fourniret, du flic qui a suivi l’affaire de prêt… Cette alternance permet, bizarrement, de faire une coupure relative dans l’horreur du récit, et de rendre la lecture moins « pénible » moralement… si je puis dire. Ça me donnait, personnellement, l’occasion de souffler un peu.. Car il faut dire que l’auteur n’est pas avare de détails, parfois si « glauques », horribles et terrifiants qu’ils puissent être…
Dans la manière d’appréhender la manière de penser de Monique Fourniret, Harold Cobert décrit bien son esprit tourmenté et trouble…
Il me raconte encore, oui, ça oui, c’est juste qu’il ne m’emmène plus avec lui, il me laisse à l’écart, seule à la maison avec le petit et mon ennui, c’est peut-être pour ça que j’ai failli sortir pour leur dire, aux bleus, des choses que je ne dois pas leur dire, toutes ces choses que je ne dois pas dire, et il y en a, de ces choses-là, oui, il y en a, seulement jamais je ne leur dirai, jamais, c’est notre pacte, c’est mon fauve et je suis sa mésange.
Cela contraste avec la manière plus nette et plus claire de s’exprimer du policier, et j’ai aimé cette distinction.
Des phrases interminables, brouillonnes, vouée à illustrer l’esprit retord et des pensées décousues… Il est franchement dur de se dire que finalement, c’est une oeuvre de fiction, certes basée sur des faits existants, malheureusement, mais une fiction quand même… le réalisme est tellement présent, je trouve.
On découvre deux facettes à la fois fascinantes et terribles de cette femme.
On en apprend sur l’affaire, bien entendu, mais aussi sur la manière de vivre des protagonistes… ça donne une parfaite représentation de la psychologie des « personnages », de leur mentalité.
On n’a jamais reçu autant de monde avec Fourniret, ça n’a jamais été le genre de la maison, son vieux camarade Robert, ses filles, son frère, des fois des voisins, et encore c’est très rare qu’on reçoive, un café dans la cuisine ou une bière dans le jardin, sauf pour Robert, qui est resté manger un soir ou deux, si j’avais su pour tout à l’heure, tout ce monde dans la maison, j’aurais fait un peu de ménage, je me serais coiffée, et lavée, je ne devais ressembler à rien, je ne ressemble pas à grand-chose, c’est vrai, malgré tout j’ai mes petites coquetteries, oui, même si on ne se lave pas tous les jours, ça coûte trop, les compagnies des eaux, ils s’en mettent plein les fouilles, il n’y a que Jeff qui se douche tous les deux jours, c’est un truc de sa génération, ils aiment être propres, ça énerve Fourniret, pour lui c’est des trucs de gosses de riches, de se laver autant, il trouve ça louche, aussi, cette obsession de la propreté, comme si on avait quelque chose à cacher ou à se reprocher.
Je dois bien vous avouer que pour certains passages, j’ai eu les larmes aux yeux… certains sont très durs à lire et pour être honnête, la description des agressions vues par l’esprit du pervers… ouch…
On a plus l’habitude de lire les mots des victimes après une agression, avec malgré tout un côté humain et posé, ce qui n’est pas du tout le cas ici… Les mots sont durs, bruts, fracassants… Un langage cru, virulent, quand c’est la femme de Fourniret qui parle… il faut franchement être accroché…
Au delà de l’histoire en elle-même, ce livre fait réfléchir sur l’évolution de la société… de manière assez réfléchie et correcte, je dois dire… Il remet sur le tapis des questions que je me suis déjà posées…
À mon époque, et à celle d’Arthur et Valentine, on aimait les gentils, les justiciers, les héros, ceux qui combattaient les criminels au côté de la veuve et de l’orphelin. Aujourd’hui, ils préfèrent Dark Vador aux Jedi de Star Wars ou le Bouffon vert à Spider-Man. C’est ce que Françoise m’a expliqué, pour me tenir au courant et que je comprenne un minimum ce que nos petits-enfants me racontent. Quelle société cela nous prépare-t-il ? Cela favorisera-t-il la croissance de la délinquance et du crime ?
Au delà du « témoignage », il y a un côté « suspense », avec la patience de la police qui s’amenuise, les questions qui se font plus pressantes, l’étau qui se resserre…. On a envie de connaître l’élément déclencheur qui fera basculer les choses…
Car oui, ici, on connaît l’issue dès le départ, ça a défrayé la chronique, pas besoin de vous le dire… mais un peu à la manière des enquêtes de Columbo, le fait de voir les choses de l’intérieur, le cheminement de la police pour arriver à ses fins, la perte de repères de la suspecte/l’accusée, je trouve ça très intéressant.
Je vous mets un dernier passage… qui me tient particulièrement à coeur, comme expliqué dans l’intro de cet avis…. La description de l’approche de « Caroline », à Namur…
Vers 18 h 45, Caroline rassemble ses affaires avec précipitation. Elle doit être rentrée à 19 heures tapantes. Elle habite à cinq minutes à pied d’ici, elle sera en avance. Dehors, elle remonte le col de son manteau et se met en route. Alors qu’elle va tourner à l’angle d’une rue, la Renault 9 s’immobilise à sa hauteur. La vitre côté passager descend. Une femme tenant un bébé dans les bras et un homme au volant apparaissent. Le conducteur se penche vers elle. Il porte de petites lunettes cerclées de métal. — Bonsoir mademoiselle, pardonnez-nous de vous déranger, notre fils est malade et nous cherchons un médecin. C’est urgent. Sauriez-vous où nous pourrions en trouver un ? — Oui, il y en a un tout près, à quelques numéros de ma maison.
Vous l’aurez compris, ce livre est LE coup de coeur, celui qui marque, celui qui reste, celui dont on a tellement de choses à dire qu’on ne sait pas trop quoi en dire, les mots me semblent si dérisoires…
Je ne le conseillerais pas à tout le monde… à avoir qu’il faut, pour certains passages, être bien accroché, car ils heurtent franchement… tout comme la réalité qu’ils racontent, finalement.
Harold Cobert a, selon moi, manié la plume d’une main de maître… il a réussi, au travers de cette fiction, à retranscrire l’essence même de cette histoire, son côté malsain, retord… La psychologie des différents protagonistes est tellement bien transmise qu’on sent tout le travail de recherche, d’enquête, de réflexion, qu’il y a derrière… On sent que ce n’est pas une histoire écrite sur un coin de table en fin de soirée ennuyeuse… c’est réfléchit et travaillé, et ça, j’aime beaucoup.
Cette histoire, si vous la lisez, vous laissera je pense forcément des traces… car ces histoires, ces vies gâchées, on en a tellement parlé à la télé, dans les journaux, etc… que fatalement, vous ferez le rapprochement avec l’une ou l’autre, fatalement, ça vous remettra des faits en mémoire, fatalement, ça vous fera réfléchir… et voir l’autre côté du miroir – moins joyeux que celui d’Alice, pour le coup-.
C’est une très belle chronique sur ce livre qui semble assez dur. Ton avis me donne envie d’en tenter la lecture mais j’avoue une certaine crainte…
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ça n’a pas du être facile de vivre ça…. En tout cas, j’ai très envie de découvrir ce roman!
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