[✎] J’ai douze ans … et je vis enfermé dans la soupente

Titre: J’ai douze ans … et je vis enfermé dans la soupente
Auteur: Inès de Kertanguy

Genre: Témoignage

Maison d’édition: Hugo et cie
Année d’édition: 2011

Nombre de pages: 158 pages
Prix: 14,90 €

Comment est-ce possible ? Enfermer un enfant dans un grenier pendant deux ans, le nourrir par un passe-plat dans la porte cadenassée, le laisser dans sa crasse… Et pas à l’autre bout du monde, ni au XIXe siècle. Ici, en France, aujourd’hui. Simplement parce qu’un beau-père ne le supporte pas !

Je suis le Petit Poucet qui a chaussé les bottes de sept lieues, les bottes de l’ogre. D’un pas je franchis les rivières, les collines, les forêts, d’un saut les villages, les montagnes. Je ne marche pas, je vole et, à ma grande surprise, je m’aperçois que je ne suis pas le Petit Poucet mais un géant, une sorte de Gulliver. De ma hauteur, le monde me paraît minuscule. Quand je veux m’asseoir, je dois faire très attention car, pour moi, les vaches sont plus petites que des souris. Pour m’amuser, j’en soulève une par la queue, je la regarde, je l’écoute meugler et je la repose, mais avec précaution car je suis un bon géant. Entre mes jambes écartées, deux chevaux caracolent. J’en prends un, il piaffe, il rue, ses sabots frappent le creux de ma main, mais je ne sens que de légers picotements, presque des chatouillements.

Quand je suis debout, je peux toucher les nuages avec la main. Si je pointe un doigt et que je le tourne lentement, toujours dans le même sens, le nuage s’y enroule comme une barbe à papa. J’ai goûté tous les nuages : les blancs sont à la vanille, les gris à la réglisse. Je préfère les roses, mais ceux-là je ne les trouve qu’au lever ou au coucher du soleil. Ils ont le goût de la fraise, quelquefois de la cerise, mais seulement quand ils se colorent de rouge les jours de grand vent. Les plus rares sont les nuages d’orage, mauves parfumés à la violette, ils sont mes préférés.

Je suis un géant et un géant heureux. Vus d’en haut, le monde, les gens ne me font plus peur. Je m’amuse à les regarder s’agiter, des vrais pantins ! Je cherche un village et dans ce village une maison ; quand je la trouverai, j’en soulèverai le toit comme un couvercle pour regarder ce qui se passe à l’intérieur et je délivrerai le garçon qui est enfermé dans la soupente, tout en haut de la maison. Je regarde autour de moi, par ici les villages se ressemblent, mais celui-là je le reconnaîtrai entre tous. Je cherche… soudain il me semble apercevoir le clocher, la place et, un peu à l’écart, en bordure d’un champ, la maison.

Je me penche, je retiens ma respiration, j’avance la main, délicatement entre mes deux doigts je pince le toit…

Un volet claque, j’ouvre un œil : d’un seul coup, toute ma misère me tombe dessus. Depuis un an, je fais le même rêve. Et jamais je n’ai été si près de retrouver la liberté.

Parce que j’ai toujours eu une grande attirance pour ce genre de livres qui nous  ramènent un peu à la réalité des choses, à savoir que nous avons beaucoup de chance malgré nos déboires de la vie quotidienne… Parce que j’aime ce genre de livres qui apportent en même temps l’espoir d’un demain meilleur qu’aujourd’hui… Par ce que je trouve important que chacun lise ce genre de livres pour ouvrir les yeux sur le fait que parfois, on est vraiment aveugle sur ce qui peut se passer comme choses terribles juste à côté de nous…

Ce livre m’a laissé très perplexe…

Ce qui m’a vraiment déplu, c’est le style de l’auteur… Car le livre est raconté à la première personne… Généralement, cela permet de se sentir concernés, de bien intégrer l’histoire, de se sentir touché…

Eh bien là, pas du tout !

Je n’ai pas aimé la manière dont les choses sont racontées, j’ai eu du mal à trouver un fil conducteur au départ, j’ai trouvé qu’il y avait pas mal de zones d’ombres, et ça m’a gâché un peu la lecture…

 

Mais au-delà de ça, le thème du livre et le message qu’il veut faire passer a pris le dessus, ce qui fait que j’ai continué cette lecture envers et contre tout ce que je peux reprocher à la manière dont le récit nous est livré.

Par rapport à l’histoire… vous l’aurez compris, c’est un huis clos assez poignant malgré tout !

C’est terrible! Comment peut-on affliger cela à un enfant? Comment une mère peut laisser son enfant comme ça, pendant un an, dans une soupente à peine vivable? Sans se soucier de lui, sans l’aimer, sans le défendre, …

« En face de la porte se trouve un matelas posé à même le sol et que je roule dans la journée pour avoir un peu de place, contre le mur un lavabo avec son unique robinet d’eau froide, dans l’angle un chiotte (broyeur, s’il vous plaît) qui fait un bruit d’enfer quand je tire la chasse, à côté une table qui me sert de bureau et au-dessus une étagère posée de travers : ma bibliothèque. C’est tout. Ah non ! J’allais oublier, il faut ajouter une chaise trouée qui, par en dessous, perd sa paille et deux boîtes à chaussures où j’entasse tous mes trésors. Voilà mon univers. « 

Mais quelle horreur, pour cet enfant?

L’histoire, oui, est poignante, est terrible, est effrayante aussi, car personne qui sur un an ne s’étonne de la disparition de cet enfant de sa famille, de l’école, etc… Mais comment est-ce possible?

 

Et cet enfant au courage incroyable, qui se raccroche comme il peut à ce qu’il a, même le plus improbable… Il perd un peu le sens des réalités, mais qui pourrait lui en vouloir?

« Eh bien oui, depuis un an je n’ai plus reçu de coups. Au début, cela me faisait un drôle d’effet ! C’était comme si j’étais en manque, un vrai drogué. Tous les jours, je regardais mes bras, mes jambes : mes bleus s’effaçaient petit à petit et je trouvais injuste qu’ils disparaissent. Parce que ces bleus, ils étaient à moi, je les avais gagnés, ils étaient mon trophée, même si je les cachais, j’en étais fier. »

Par rapport aux autres personnages… on apprend à voir les relations de cet enfant avec sa mère, son beau-père (bien que peu présent pendant la plupart du livre, il est un élément important), son demi-frère (que j’ai eu beaucoup de mal à cerner)…

Il y a une phrase de cet enfant que j’ai vraiment aimé… une phrase qui est  vraiment parlante, pleine de sens, pleine de sincérité, de tristesse à la fois… mais qui pourtant, est tellement réelle…

Pour m’occuper, je prends mon dictionnaire. Je cherche le mot « heureux » et je m’aperçois qu’il compte trente-cinq synonymes. Maintenant je cherche le mot triste ; il se définit par chagrin, sombre, découragé, maussade… La liste est longue, très longue, il compte à lui seul quatre-vingt-huit synonymes. J’en conclus que sur la Terre on parle plus de malheur que de bonheur.

Je me rends compte que vous livrer mon avis sur ce livre n’est pas évident… dans un tel livre, il est difficile de juger l’histoire, de juger les personnes et leur construction, puisqu’il ne s’agit pas d’imaginaire, mais de la dure réalité de la vie pour ces enfants…

J’espère juste que les extraits que j’ai pu vous mettre vous donneront envie de découvrir ce livre, qui même s’il n’est pas facile à lire de par l’horreur qu’il décrit, mérite d’être lu…

A tout le monde ! Pour que ce genre de situations n’arrivent plus, que le monde ouvre les yeux sur tous ces enfants de l’ombre qui méritent qu’on pense à eux et vienne les sauver du malheur qu’ils n’ont pas demandé et certainement pas mérité…

petit-lips, Gr3nouille2010, x-livres-passion-x

     

[✎] Un jardin sur le ventre

C’est l’histoire ordinaire de gens ordinaires dans une région où il ne fait ni beau ni mauvais. C’est l’histoire d’un peu tout le monde. L’histoire d’une vie fauchée. D’un amour qui s’arrête. D’une mère qui part. D’un mari qui devient veuf. D’un veuf qui ne veut pas le rester. C’est l’histoire de gens qui ne se comprennent pas. D’une sœur qui regrette. D’un frère qui revient. Il y a des petits-enfants qui souffrent, qui se taisent. Des filles qui pleurent, qui fument et des chiens qui aboient. C’est l’histoire banale de la vie et de la mort.

Au début, la lecture de ce livre m’a un peu perturbée… On passe d’un chapitre en « tu » (le premier) à un chapitre à la première personne (le second)… j’ai eu du mal à me faire à ce changement qui perdure pourtant tout au long du livre, une scène alternant avec l’autre… »Je », « tu », « nous » jouant avec les points de vue comme avec nos émotions.

Cependant, je dois bien reconnaître que j’ai rarement lu de livres à la seconde personne du singulier, mais que c’est vraiment très prenant, très « impliquant »… Dans ce style, on ne peut vraiment pas dire que l’on n’est pas touché par l’histoire, qu’on ne se sent pas concerné…
Surtout que ce livre, c’est un petit concentré d’histoire « de tous les jours », du quotidien de gens « comme tout le monde »…

Ces vies sont tellement le reflet d’une réalité qui pourrait être celle de n’importe qui dans notre entourage qu’il nous prend par les sentiments, il creuse au fond de nous pour en ressortir nos propres émotions… on voltige de droite à gauche, entre tendresse, craintes, amour, douceur, violence, vigilance…
Il a réussi, de par l’histoire de Suzanne, une petite dame âgée (je ne vais pas vous raconter son histoire, c’est tellement mieux de la découvrir par vous même), à me mettre les souvenirs et les larmes au bord des yeux avec une émouvante pensée pour ma grand-mère.. L’histoire de Suzanne m’a tellement agrippée au coeur que je serais incapable de vous en donner un passage coup de coeur…

D’autres passages du livre sont écrits à la seconde personne, mais aucun ne m’a autant touché que Suzanne… Sans doute le vécu joue-t-il malgré tout une grande part dans cet amour livresque.

Pour résumer, je dirais que ce livre est une petite merveille, sans doute un de mes premiers coups de coeur de cette année 2011…

Si je devais avoir un regret?
BOB et la maison d’édition « Hugo et Cie » donnaient la possibilité à certains lecteurs de rencontrer l’auteur, mais c’est trop loin et donc impossible pour moi… Mon plus grand regret par rapport à ce livre est de ne pas pouvoir rencontrer la femme qui a réussit à m’émouvoir avec tellement de simplicité au travers de son livre…

Ce livre est un merveilleux voyage au pays des sentiments divers et variés, et à celui de la simplicité… Un livre à découvrir et à savourer, bien calée dans un canapé, sous une couverture, une tasse de chocolat chaud à la main… Car il se déguste au calme afin de pouvoir encore mieux en apprécier toute la saveur…

Je remercie BOB et les éditions Hugo et Compagnie pour ce partenariat qui m’a permis de découvrir cet auteur.